Le coup d’Etat du 22 mars au Mali n’aura pas fait long feu mais il aura permis de mettre en avant une situation explosive dans la région du Sahel dont le Mali est la première victime.
Après trois semaines de crise politique, le président déchu Amadou Toumani Touré a présenté sa démission officielle ce dimanche 8 avril ouvrant la voie à une présidence intérimaire.
Cette présidence est assurée par le président de l’Assemblée nationale Dioncounda Traoré
et un gouvernement "d’union nationale". Les nouvelles autorités ont
pour mission de rétablir les institutions, réorganiser les élections
mais surtout récupérer le Nord.
Un Nord-Mali totalement aux mains
des rebelles touaregs du MNLA (Mouvement national pour la libération de
l’Azawad) et d’Ansar Dine («défenseurs de la religion»), mais aussi de
groupes islamistes armés étrangers avec AQMI (Al-Quaeda au Maghreb
islamique) et la secte Boko Haram.
Sans oublier le grand
banditisme qui contrôle les trafics d’armes, tabac, cannabis et cocaïne et pullule dans cette région grande comme l’Europe, aux frontières
poreuses.
Pour sortir de l’engrenage, le nouveau gouvernement
malien devrait bénéficier de l’aide militaire de la CÉDEAO (Communauté
économique des États de l’Afrique de l’Ouest) mais elle est encore
incertaine. D’autant que l’absence de consensus favorise le statut quo.
Une violence endémique
Présents
au Nord du Mali, au Nord-Ouest du Niger et au Sud de l’Algérie, les
revendications touaregs se sont juxtaposées à celles des différents
groupes aux intérêts divergents mais combattant un même ennemi : les
gouvernements en place et leurs alliés.
C’est ainsi que le groupe Ansar Dine qui prône un État touareg indépendant islamique est largement soutenu par AQMI.
De
même, le groupe islamiste Boko Haram qui multiplie les opérations
meurtrières (dont une session particulièrement tragique lors de ce lundi
de Pâques au Nord du Nigéria avec plus d’une centaine de morts) a été vu
dans la ville malienne de Gao.
Des combattants islamistes venus
du Niger occupent aussi le Nord-Mali. Tandis qu’un groupe dissident
d’AQMI, Le Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest
(MUJAO) a revendiqué l’enlèvement du consul algérien et de 6 membres de
sa mission.
C’est dans ce contexte explosif que plus 200 000
maliens ont fui dans les pays frontaliers (Algérie, Burkina Faso,
Mauritanie, Niger) alors que la région est en proie à la sécheresse et à
une famine endémique.
A l’heure actuelle, on compte entre 5 et 7 millions de personnes qui sont en situation de grande détresse.
A l’heure actuelle, on compte entre 5 et 7 millions de personnes qui sont en situation de grande détresse.
Où est la communauté internationale ?
Pour
le moment, la CEDÉAO est sur le dossier, mais a t-elle la capacité et
la crédibilité requises pour mener à bien cette tâche ô combien
compliquée !
La France-bien que ses intérêts soient menacés (sa
mainmise sur l’uranium nigérien et ses 6 ressortissants salariés d’Areva
toujours retenus au Niger) -a réagi mollement, élections
présidentielles obligent.
Pour l’hyperpuissance américaine, le
Sahara est un front important dans sa guerre contre le terrorisme mais
elle doit faire face à la réticence des chefs d’États africains qui ne
veulent pas d’un scénario à l’afghan.
Aussi souhaitable qu'elle paraît, une intervention
extérieure ne résoudrait pas le problème car elle ne servirait pas les
intérêts des populations qui ont besoin d’une stabilité sur le long
terme pour se développer d'autant qu'il est aussi important de rappeler l’impact du
cas libyen sur la déstabilisation de la région.
L’élimination de Khadafi, la boite de pandore
Sans
contester le caractère autoritaire du régime Khadafi et ni remettre en
question la légitimité du CNT (conseil national de transition),on
peut toutefois fustiger l’amateurisme de l’intervention française. Elle
s’est faite sans aucune prise en compte du contexte géopolitique de la
région sahélienne. Et tout le problème est là.
Trop souvent, les
médias dissocient les pays présentant une instabilité comme un problème
interne, fragmente les événements comme si ils n’étaient qu’un fait
conjoncturel (encore une guéguerre entre Africains, encore un coup d’Etat qui prouve leur nature anti-démocratique ou encore l’éternel argument du conflit ethnique...)
Or on voit bien dans le cas du Mali que c’est une logique à échelle bien plus importante qui s’est mise en place.
La
disparition de Khadafi a permis à un grand nombre de soldats touaregs
de son armée régulière de repartir mener la lutte dans l’Azawad, équipés
d’un gros stock d’armes. Des armes qui ont permis à AQMI de se remettre
à flots.
Il est donc urgent que les dirigeants occidentaux (la
France et le Royaume Uni en tête) prennent conscience de leur
responsabilité et l’assument.
Surtout que la proximité de cette
région très instable avec l’Europe aura forcément des répercussions sur
le Vieux continent dont les aides au développement ne cessent de
diminuer tandis qu’une politique anti-immigratoire et de fermeture des
frontières est la norme.
La crise malienne et par extension celle
du Sahel nous rappelle qu’il est plus qu’urgent pour les Africains de
consolider leurs États, de préserver l’intégrité territoriale et la
souveraineté de chaque pays. Les cas du Sud-Soudan ou de l’Erythrée
montrent à quel point la scission n’est pas forcément la solution. Créer
de nouveaux États faibles fragilise une Afrique déjà en proie à la
division. Or seule une coopération saine et raisonnée permettrait au
continent de se libérer de la tutelle de ceux qui maintiennent la
domination au détriment des peuples et de leur indispensable
développement.
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