2 novembre 2010

La gauche en faillite... Une démocratie en perdition ?

Chaque jour, je m'interroge sur le sens de mon engagement... Je suis sans cesse en lutte, outrée, indignée. Avec le recul, ma jeunesse semble me rendre impétueuse et invincible. J'ai l'impression d'être habitée d'une éternelle passion pour l'Autre et que la victoire est inéluctable. Pourtant, trop souvent, je doute sur ce qui compose mon savoir-être et sur mes capacités à réussir. Face à l'insidieuse régression où nous conduit le néolibéralisme, le combat a l'air perdu d'avance. 

Alors, il me faut retrouver le courage, prendre les choses en main. Et pour cela, rien de mieux que l'analyse ;-)  Le moyen le plus approprié pour défendre mes principes, est de comprendre pourquoi ce qui me paraît évident, ne l'est pas pour mes concitoyens. Comment le triptyque "Liberté, Égalité, Fraternité", fondement de la République française, s'est laminé et se vide de sens, en ce début de XXI ème siècle. Moi qui suis née et ai grandi avec ces valeurs, je constate de plus en plus qu'elles ne vont plus de soi, pour  beaucoup de Français. Je veux donc savoir pourquoi elles tendent à dépérir.

La première raison est, bien-sûr, la formidable défaite de la Gauche (= terme dont l'origine est historique. Il désigne le groupe de députés qui, durant la période révolutionnaire, étaient en faveur d'un progrès égalitaire sous l'égide de l'Etat). Une défaite en tant que parti politique mais surtout comme courant idéologique. Une débandade que je ne saurais dater, mais qui assurément s'est accélérée à partir des années 1970 avec la crise pétrolière. La deuxième raison est mis en exergue par le philosophe Jacques Rancière. Malgré son instauration, la démocratie n'a jamais fait l'unanimité. L'épisode de la Révolution française en est un parfait exemple.

Voici des éléments de réponses apportées par deux intellectuels de renom. Des réponses édifiantes qui éclairent mes (nos) lanternes.

Pourquoi, la gauche a-t-elle failli ? Réponse du philosophe italien Raffaele Simone qui vient de sortir son essai Le Monstre doux. L'Occident vire t-il à droite ? aux éditions Gallimard :

"Alors que la droite apparaît moderne et trendy, la gauche apparaît poussiéreuse et out. Ses idéaux sont en déclin, parce qu'ils apparaissent totalement extérieurs à la modernité. La gauche s'est également affaiblie pour plusieurs raisons ces dernières années. La première, c'est que la classe ouvrière n'est plus une force d'opposition. La gauche a fait le choix de devenir une bourgeoisie consumériste. La deuxième raison, c'est le fait que les idéaux de la gauche sont aujourd'hui dépassés par «l'esprit du temps» ou Zeitgeist: l'égalité (elle limite le développement des avantages propres), la légalité (limite la satisfaction des désirs), l'équité fiscale (perturbe la consommation), l'attention pour les classes inférieures (perturbe l'intention de faire partie des classes supérieures), la justice (impose des règles), etc.  Et troisième raison, dans le monde est née une culture globale liée à l'archicapitalisme."

Extrait, source : Médiapart

Je tiens à relayer ces propos car Raffaele Simone résume très bien, en quelques lignes seulement, 50 années d'échecs du socialisme en Europe. Un naufrage presque prévisible, qui revêt différentes formes : à la fois idéologique, institutionnelle mais qui fut le plus pitoyable lorsque la Gauche fut portée au pouvoir. 

Mais finalement la question que l'on devrait tous se poser est : nos sociétés aspirent-elles vraiment à la démocratie ??? Du moins le peuvent-elles ?
Le magma idéologique du libéralisme économique (se confondant petit à petit avec l'idée de liberté), qui se déverse continuellement et dans une rare permanence depuis 2 siècles (avec une nette accélération depuis l'avénèment des médias) nous permet-il de souhaiter un réel gouvernement par le peuple et pour le peuple ? Ce qui supposerait la prise en compte de la majorité, d'oeuvrer pour les intérêts du plus grand nombre tout en garantissant la liberté de chacun appartenant à un même ensemble....

Alors que certains gouvernements prétendent vouloir propager la démocratie aux pays encore soumis au despotisme, ces mêmes gouvernements (et bien sûr je pense au chef de fil : les Etats-Unis), parés de toutes les vertus, utilisent la force des armes ! La fin justifierait les moyens... Pourtant, si l'on observe l'état de la démocratie dans ces gouvernements, on voit qu'elle est sans cesse mise à mal. L'intelligentsia semble passer son temps à la remettre en question, fustigeant un égalitarisme dévastateur, caricaturant un peuple "ignare", sensible à la démagogie et incitant nos chers politiciens à la pratique du discours populiste.

De nombreux intellectuels s'affirment soi disant pour un gouvernement démocratique... Ok ! Tant qu'il ne se laisse pas corrompre par une société, désireuse que l'on soit tous égaux et que l'on accepte toutes les différences... Car il est évident que l'égalité est impossible : seuls les meilleurs ont finalement droit aux privilèges, au nom de la sacro-sainte méritocratie ! Mais est-elle pertinente lorsque les règles de départ ne sont pas les mêmes pour tous ? Enfin, elle a toujours été perçue comme juste tandis que les différences sont illégitimes car elles sont une menace à la cohésion nationale et le terreau fertile du tant redouté communautarisme.

Oui ! Finalement, le meilleur type de régime démocratique est celui qui prône une civilisation blanche, chrétienne, hétérosexuelle et rationnelle apportant le progrès économique et social.
C'est le seul modèle légitime. L'Histoire l'a démontré avec la chute du bloc soviétique.

Ces contradictions, un homme Jacques Rancière tente de les décortiquer, par une analyse minitieuse dans son essai Une haine de la démocratie, aux éditions La Fabrique, 2005.
La principale force de ce livre est d'inscrire ce déchaînement haineux (et sournois) contre la démocratie dans une dynamique socio-historique. On prend conscience des germes et des diverses ramifications de l'actuelle défiance envers le système démocratique. Un système détourné au profit des intérêts d'une minorité toute puissante. Pour avoir une idée plus précise du livre, voici un extrait d'une interview de Jacques Rancière par le quotidien Libération.

Qu’est-ce pour vous la démocratie ?

La démocratie n’est ni la forme du gouvernement représentatif ni le type de société fondé sur le libre marché capitaliste. Il faut rendre à ce mot sa puissance de scandale. Il a d’abord été une insulte : la démocratie, pour ceux qui ne la supportent pas, est le gouvernement de la canaille, de la multitude, de ceux qui n’ont pas de titres à gouverner. Pour eux, la nature veut que le gouvernement revienne à ceux qui ont des titres à gouverner : détenteurs de la richesse, garants du rapport à la divinité, grandes familles, savants et experts. Mais pour qu’il y ait communauté politique, il faut que ces supériorités concurrentes soient ramenées à un niveau d’égalité première entre les "compétents" et les "incompétents". En ce sens, la démocratie n’est pas une forme particulière de gouvernement, mais le fondement de la politique elle-même, qui renvoie toute domination à son illégitimité première. Et son exercice déborde nécessairement les formes institutionnelles de la représentation du peuple.

Y a-t-il une haine de la démocratie en France ?

Un discours de plus en plus virulent d’une partie de la classe intellectuelle dont Alain Finkielkraut offre le condensé - accuse la démocratie de tous les maux. Depuis l’effondrement de l’alternative soviétique, ils se sont mis à opposer la démocratie, vue comme le règne des désirs individuels effrénés, à la république, pensée comme le sens de la vie collective. La démocratie, pour eux, c’est le règne de la consommation et de la déliaison sociale. Ils transforment en apocalypse la vision platonicienne de la démocratie comme monde à l’envers. Jean-Claude Milner l’a même rendue responsable de l’extermination des juifs. Mais aussi l’adaptation des Etats à un ordre économique mondial implique la constitution de nouvelles castes réunissant gouvernants, hommes d’affaires, financiers, experts. Cette oligarchie tend à considérer les expressions du peuple, y compris dans les formes institutionnelles du vote populaire, comme dangereuses. On voit se séparer deux types de légitimité : l’une, savante, des gouvernants et des experts, l’autre, populaire, de plus en plus contestée et stigmatisée comme "populiste" quand elle va à l’encontre de la logique dominante, comme lors du référendum sur la Constitution européenne.

Vous placez l’égalité au fondement de la démocratie, pourquoi ?

L’égalité n’est pas un but à atteindre, au sens d’un statut économique ou d’un mode de vie semblable pour tous. Elle est une présupposition de la politique. La démocratie est le pouvoir de n’importe qui, la contingence de toute domination. Ce n’est pas l’idée que le pouvoir doit travailler pour le bien du plus grand nombre mais celle que le plus grand nombre a vocation à s’occuper des affaires communes. L’égalité fondamentale concerne d’abord la capacité de n’importe qui à discuter des affaires de la communauté et à les mettre en oeuvre. (JE SURKIFFE CE QU'IL DIT ! C'est là où se situe tout mon combat !!!)

Que vous inspire la révolte des banlieues ?

C’est un autre effet du mépris dans lequel est tenue la capacité du plus grand nombre. Il ne s’agit pas d’intégrer des gens qui, pour la plupart, sont Français mais de faire qu’ils soient traités en égaux. Le problème n’est pas de savoir si des gens sont mal traités ou mal dans leur peau. Il est de savoir s’ils sont comptés comme sujets politiques, doués d’une parole commune. Et le sens de la révolte est aussi lié à leur propre capacité à se considérer comme tels. Apparemment ce mouvement de révolte n’a pas trouvé une forme politique, telle que je l’entends, de constitution d’une scène d’interlocution reconnaissant l’ennemi comme faisant partie de la même communauté que vous. La réaction à une situation d’inégalité est une chose. L’égalité, elle, se manifeste politiquement quand les exclus se déclarent comme inclus dans leur manière même de dénoncer l’exclusion. Pour sortir d’un schéma médical de traitement, expert des symptômes, il faut que se dégage une forme de subjectivation, traversant toutes les médiations culturelles, sociales, religieuses pour devenir la parole d’un "nous" qui construise une scène matérielle où la parole se fait acte.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Marongiu 
source : Multitudes


Et parce qu'elles sont pleines de sens, voici deux citations à méditer longuement en espérant qu'en 2012, un vrai changement de cap s'offrira à la France...

"La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité."
 - Albert Camus - 


"Tout le rêve de la démocratie est d'élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois."
- Gustave Flaubert -

La gauche en faillite... Une démocratie en perdition ?

Chaque jour, je m'interroge sur le sens de mon engagement... Je suis sans cesse en lutte, outrée, indignée. Avec le recul, ma jeunesse semble me rendre impétueuse et invincible. J'ai l'impression d'être habitée d'une éternelle passion pour l'Autre et que la victoire est inéluctable. Pourtant, trop souvent, je doute sur ce qui compose mon savoir-être et sur mes capacités à réussir. Face à l'insidieuse régression où nous conduit le néolibéralisme, le combat a l'air perdu d'avance. 

Alors, il me faut retrouver le courage, prendre les choses en main. Et pour cela, rien de mieux que l'analyse ;-)  Le moyen le plus approprié pour défendre mes principes, est de comprendre pourquoi ce qui me paraît évident, ne l'est pas pour mes concitoyens. Comment le triptyque "Liberté, Égalité, Fraternité", fondement de la République française, s'est laminé et se vide de sens, en ce début de XXI ème siècle. Moi qui suis née et ai grandi avec ces valeurs, je constate de plus en plus qu'elles ne vont plus de soi, pour  beaucoup de Français. Je veux donc savoir pourquoi elles tendent à dépérir.

La première raison est, bien-sûr, la formidable défaite de la Gauche (= terme dont l'origine est historique. Il désigne le groupe de députés qui, durant la période révolutionnaire, étaient en faveur d'un progrès égalitaire sous l'égide de l'Etat). Une défaite en tant que parti politique mais surtout comme courant idéologique. Une débandade que je ne saurais dater, mais qui assurément s'est accélérée à partir des années 1970 avec la crise pétrolière. La deuxième raison est mis en exergue par le philosophe Jacques Rancière. Malgré son instauration, la démocratie n'a jamais fait l'unanimité. L'épisode de la Révolution française en est un parfait exemple.

Voici des éléments de réponses apportées par deux intellectuels de renom. Des réponses édifiantes qui éclairent mes (nos) lanternes.

Pourquoi, la gauche a-t-elle failli ? Réponse du philosophe italien Raffaele Simone qui vient de sortir son essai Le Monstre doux. L'Occident vire t-il à droite ? aux éditions Gallimard :

"Alors que la droite apparaît moderne et trendy, la gauche apparaît poussiéreuse et out. Ses idéaux sont en déclin, parce qu'ils apparaissent totalement extérieurs à la modernité. La gauche s'est également affaiblie pour plusieurs raisons ces dernières années. La première, c'est que la classe ouvrière n'est plus une force d'opposition. La gauche a fait le choix de devenir une bourgeoisie consumériste. La deuxième raison, c'est le fait que les idéaux de la gauche sont aujourd'hui dépassés par «l'esprit du temps» ou Zeitgeist: l'égalité (elle limite le développement des avantages propres), la légalité (limite la satisfaction des désirs), l'équité fiscale (perturbe la consommation), l'attention pour les classes inférieures (perturbe l'intention de faire partie des classes supérieures), la justice (impose des règles), etc.  Et troisième raison, dans le monde est née une culture globale liée à l'archicapitalisme."

Extrait, source : Médiapart

Je tiens à relayer ces propos car Raffaele Simone résume très bien, en quelques lignes seulement, 50 années d'échecs du socialisme en Europe. Un naufrage presque prévisible, qui revêt différentes formes : à la fois idéologique, institutionnelle mais qui fut le plus pitoyable lorsque la Gauche fut portée au pouvoir. 

Mais finalement la question que l'on devrait tous se poser est : nos sociétés aspirent-elles vraiment à la démocratie ??? Du moins le peuvent-elles ?
Le magma idéologique du libéralisme économique (se confondant petit à petit avec l'idée de liberté), qui se déverse continuellement et dans une rare permanence depuis 2 siècles (avec une nette accélération depuis l'avénèment des médias) nous permet-il de souhaiter un réel gouvernement par le peuple et pour le peuple ? Ce qui supposerait la prise en compte de la majorité, d'oeuvrer pour les intérêts du plus grand nombre tout en garantissant la liberté de chacun appartenant à un même ensemble....

Alors que certains gouvernements prétendent vouloir propager la démocratie aux pays encore soumis au despotisme, ces mêmes gouvernements (et bien sûr je pense au chef de fil : les Etats-Unis), parés de toutes les vertus, utilisent la force des armes ! La fin justifierait les moyens... Pourtant, si l'on observe l'état de la démocratie dans ces gouvernements, on voit qu'elle est sans cesse mise à mal. L'intelligentsia semble passer son temps à la remettre en question, fustigeant un égalitarisme dévastateur, caricaturant un peuple "ignare", sensible à la démagogie et incitant nos chers politiciens à la pratique du discours populiste.

De nombreux intellectuels s'affirment soi disant pour un gouvernement démocratique... Ok ! Tant qu'il ne se laisse pas corrompre par une société, désireuse que l'on soit tous égaux et que l'on accepte toutes les différences... Car il est évident que l'égalité est impossible : seuls les meilleurs ont finalement droit aux privilèges, au nom de la sacro-sainte méritocratie ! Mais est-elle pertinente lorsque les règles de départ ne sont pas les mêmes pour tous ? Enfin, elle a toujours été perçue comme juste tandis que les différences sont illégitimes car elles sont une menace à la cohésion nationale et le terreau fertile du tant redouté communautarisme.

Oui ! Finalement, le meilleur type de régime démocratique est celui qui prône une civilisation blanche, chrétienne, hétérosexuelle et rationnelle apportant le progrès économique et social.
C'est le seul modèle légitime. L'Histoire l'a démontré avec la chute du bloc soviétique.

Ces contradictions, un homme Jacques Rancière tente de les décortiquer, par une analyse minitieuse dans son essai Une haine de la démocratie, aux éditions La Fabrique, 2005.
La principale force de ce livre est d'inscrire ce déchaînement haineux (et sournois) contre la démocratie dans une dynamique socio-historique. On prend conscience des germes et des diverses ramifications de l'actuelle défiance envers le système démocratique. Un système détourné au profit des intérêts d'une minorité toute puissante. Pour avoir une idée plus précise du livre, voici un extrait d'une interview de Jacques Rancière par le quotidien Libération.

Qu’est-ce pour vous la démocratie ?

La démocratie n’est ni la forme du gouvernement représentatif ni le type de société fondé sur le libre marché capitaliste. Il faut rendre à ce mot sa puissance de scandale. Il a d’abord été une insulte : la démocratie, pour ceux qui ne la supportent pas, est le gouvernement de la canaille, de la multitude, de ceux qui n’ont pas de titres à gouverner. Pour eux, la nature veut que le gouvernement revienne à ceux qui ont des titres à gouverner : détenteurs de la richesse, garants du rapport à la divinité, grandes familles, savants et experts. Mais pour qu’il y ait communauté politique, il faut que ces supériorités concurrentes soient ramenées à un niveau d’égalité première entre les "compétents" et les "incompétents". En ce sens, la démocratie n’est pas une forme particulière de gouvernement, mais le fondement de la politique elle-même, qui renvoie toute domination à son illégitimité première. Et son exercice déborde nécessairement les formes institutionnelles de la représentation du peuple.

Y a-t-il une haine de la démocratie en France ?

Un discours de plus en plus virulent d’une partie de la classe intellectuelle dont Alain Finkielkraut offre le condensé - accuse la démocratie de tous les maux. Depuis l’effondrement de l’alternative soviétique, ils se sont mis à opposer la démocratie, vue comme le règne des désirs individuels effrénés, à la république, pensée comme le sens de la vie collective. La démocratie, pour eux, c’est le règne de la consommation et de la déliaison sociale. Ils transforment en apocalypse la vision platonicienne de la démocratie comme monde à l’envers. Jean-Claude Milner l’a même rendue responsable de l’extermination des juifs. Mais aussi l’adaptation des Etats à un ordre économique mondial implique la constitution de nouvelles castes réunissant gouvernants, hommes d’affaires, financiers, experts. Cette oligarchie tend à considérer les expressions du peuple, y compris dans les formes institutionnelles du vote populaire, comme dangereuses. On voit se séparer deux types de légitimité : l’une, savante, des gouvernants et des experts, l’autre, populaire, de plus en plus contestée et stigmatisée comme "populiste" quand elle va à l’encontre de la logique dominante, comme lors du référendum sur la Constitution européenne.

Vous placez l’égalité au fondement de la démocratie, pourquoi ?

L’égalité n’est pas un but à atteindre, au sens d’un statut économique ou d’un mode de vie semblable pour tous. Elle est une présupposition de la politique. La démocratie est le pouvoir de n’importe qui, la contingence de toute domination. Ce n’est pas l’idée que le pouvoir doit travailler pour le bien du plus grand nombre mais celle que le plus grand nombre a vocation à s’occuper des affaires communes. L’égalité fondamentale concerne d’abord la capacité de n’importe qui à discuter des affaires de la communauté et à les mettre en oeuvre. (JE SURKIFFE CE QU'IL DIT ! C'est là où se situe tout mon combat !!!)

Que vous inspire la révolte des banlieues ?

C’est un autre effet du mépris dans lequel est tenue la capacité du plus grand nombre. Il ne s’agit pas d’intégrer des gens qui, pour la plupart, sont Français mais de faire qu’ils soient traités en égaux. Le problème n’est pas de savoir si des gens sont mal traités ou mal dans leur peau. Il est de savoir s’ils sont comptés comme sujets politiques, doués d’une parole commune. Et le sens de la révolte est aussi lié à leur propre capacité à se considérer comme tels. Apparemment ce mouvement de révolte n’a pas trouvé une forme politique, telle que je l’entends, de constitution d’une scène d’interlocution reconnaissant l’ennemi comme faisant partie de la même communauté que vous. La réaction à une situation d’inégalité est une chose. L’égalité, elle, se manifeste politiquement quand les exclus se déclarent comme inclus dans leur manière même de dénoncer l’exclusion. Pour sortir d’un schéma médical de traitement, expert des symptômes, il faut que se dégage une forme de subjectivation, traversant toutes les médiations culturelles, sociales, religieuses pour devenir la parole d’un "nous" qui construise une scène matérielle où la parole se fait acte.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Marongiu 
source : Multitudes


Et parce qu'elles sont pleines de sens, voici deux citations à méditer longuement en espérant qu'en 2012, un vrai changement de cap s'offrira à la France...

"La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité."
 - Albert Camus - 


"Tout le rêve de la démocratie est d'élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois."
- Gustave Flaubert -

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