12 avril 2012

La poudrière Sahélienne : vers une remise en cause des frontières de l’Afrique ?



Le coup d’Etat du 22 mars au Mali n’aura pas fait long feu mais il aura permis de mettre en avant une situation explosive dans la région du Sahel dont le Mali est la première victime. 



Après trois semaines de crise politique, le président déchu Amadou Toumani Touré a présenté sa démission officielle ce dimanche 8 avril ouvrant la voie à une présidence intérimaire.
Cette présidence est assurée par le président de l’Assemblée nationale Dioncounda Traoré et un gouvernement "d’union nationale". Les nouvelles autorités ont pour mission de rétablir les institutions, réorganiser les élections mais surtout récupérer le Nord.
Un Nord-Mali totalement aux mains des rebelles touaregs du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad) et d’Ansar Dine («défenseurs de la religion»), mais aussi de groupes islamistes armés étrangers avec AQMI (Al-Quaeda au Maghreb islamique) et la secte Boko Haram.
Sans oublier le grand banditisme qui contrôle les trafics d’armes, tabac, cannabis et cocaïne et pullule dans cette région grande comme l’Europe, aux frontières poreuses.
Pour sortir de l’engrenage, le nouveau gouvernement malien devrait bénéficier de l’aide militaire de la CÉDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) mais elle est encore incertaine. D’autant que l’absence de consensus favorise le statut quo.

Une violence endémique

Présents au Nord du Mali, au Nord-Ouest du Niger et au Sud de l’Algérie, les revendications touaregs se sont juxtaposées à celles des différents groupes aux intérêts divergents mais combattant un même ennemi : les gouvernements en place et leurs alliés.
C’est ainsi que le groupe Ansar Dine qui prône un État touareg indépendant islamique est largement soutenu par AQMI.
De même, le groupe islamiste Boko Haram qui multiplie les opérations meurtrières (dont une session particulièrement tragique lors de ce lundi de Pâques au Nord du Nigéria avec plus d’une centaine de morts) a été vu dans la ville malienne de Gao.
Des combattants islamistes venus du Niger occupent aussi le Nord-Mali. Tandis qu’un groupe dissident d’AQMI, Le Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) a revendiqué l’enlèvement du consul algérien et de 6 membres de sa mission. 
C’est dans ce contexte explosif que plus 200 000 maliens ont fui dans les pays frontaliers (Algérie, Burkina Faso, Mauritanie, Niger) alors que la région est en proie à la sécheresse et à une famine endémique.
A l’heure actuelle, on compte entre 5 et 7 millions de personnes qui sont en situation de grande détresse.

Où est la communauté internationale ? 

Pour le moment, la CEDÉAO est sur le dossier, mais a t-elle la capacité et la crédibilité requises pour mener à bien cette tâche ô combien compliquée !
La France-bien que ses intérêts soient menacés (sa mainmise sur l’uranium nigérien et ses 6 ressortissants salariés d’Areva toujours retenus au Niger) -a réagi mollement, élections présidentielles obligent. 
Pour l’hyperpuissance américaine, le Sahara est un front important dans sa guerre contre le terrorisme mais elle doit faire face à la réticence des chefs d’États africains qui ne veulent pas d’un scénario à l’afghan.
Aussi souhaitable qu'elle paraît, une intervention extérieure ne résoudrait pas le problème car elle ne servirait pas les intérêts des populations qui ont besoin d’une stabilité sur le long terme pour se développer d'autant qu'il est aussi important de rappeler l’impact du cas libyen sur la déstabilisation de la région.

L’élimination de Khadafi, la boite de pandore

Sans contester le caractère autoritaire du régime Khadafi et ni remettre en question la légitimité du CNT (conseil national de transition),on peut toutefois fustiger l’amateurisme de l’intervention française. Elle s’est faite sans aucune prise en compte du contexte géopolitique de la région sahélienne. Et tout le problème est là. 
Trop souvent, les médias dissocient les pays présentant une instabilité comme un problème interne, fragmente les événements comme si ils n’étaient qu’un fait conjoncturel (encore une guéguerre entre Africains, encore un coup d’Etat qui prouve leur nature anti-démocratique ou encore l’éternel argument du conflit ethnique...)
Or on voit bien dans le cas du Mali que c’est une logique à échelle bien plus importante qui s’est mise en place. 
La disparition de Khadafi a permis à un grand nombre de soldats touaregs de son armée régulière de repartir mener la lutte dans l’Azawad, équipés d’un gros stock d’armes. Des armes qui ont permis à AQMI de se remettre à flots. 
Il est donc urgent que les dirigeants occidentaux (la France et le Royaume Uni en tête) prennent conscience de leur responsabilité et l’assument.
Surtout que la proximité de cette région très instable avec l’Europe aura forcément des répercussions sur le Vieux continent dont les aides au développement ne cessent de diminuer tandis qu’une politique anti-immigratoire et de fermeture des frontières est la norme.

La crise malienne et par extension celle du Sahel nous rappelle qu’il est plus qu’urgent pour les Africains de consolider leurs États, de préserver l’intégrité territoriale et la souveraineté de chaque pays. Les cas du Sud-Soudan ou de l’Erythrée montrent à quel point la scission n’est pas forcément la solution. Créer de nouveaux États faibles fragilise une Afrique déjà en proie à la division. Or seule une coopération saine et raisonnée permettrait au continent de se libérer de la tutelle de ceux qui maintiennent la domination au détriment des peuples et de leur indispensable développement.

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