4 août 2009

Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d'où tu viens.


Joli proverbe africain qui m'amène à parler de mes origines congolaises et de mon attachement à l'Afrique en général.
Ceci dit, je me demande si je sais véritablement d'où je viens.
Ce que j'essaye de dire par là c'est que je me construis et essaye de devenir adulte en prenant conscience jour après jour que je suis une handicapée.
Je sens de façon de plus en plus aiguë, qu' il me manque quelque chose dans ma vie et je peux le dire (ils le reconnaissent eux-même), tout cela est ENTIÈREMENT de la faute de mes parents!
Ce que je leur reproche c'est de m'avoir strictement rien transmis de LEUR culture, de MA culture d'origine dont le plus fondamental est pour moi la compréhension de la langue.
Comment être au plus près des gens, de leur univers mental, de leur être si on n'arrive pas à comprendre leur façon de mettre des mots sur le monde qui les entoure!
Moi j'ai vécu toute mon enfance dans une sorte de bulle qui m'empêchait de comprendre ce qui se disait avec ce bruit de fond, une résonance sans fin, de conversations en LINGALA.
Ma mère au téléphone avec sa famille ou avec ses amis, ma mère parlant trop fort dans les rues emplies d'africains à Château rouge, ma mère criant sur ses filles ou sur son mari. Dans ces moments, j'entends toujours sa langue maternelle :)
Elle fuse abondemment, avec une tellement expressivité.
J'ai remarqué à quel point elle ne pouvait que souffrir, aimer, détester, mépriser, adorer que en lingala, la langue de ses parents, la langue de ses aïeuls, la langue de mes aïeuls et c'est quelque chose que j'ai remarqué chez tous les émigrés qu'ils soient espagnols, chinois, congolais, américains, maliens etc.
Comment ma mère a t-elle pu me priver de cet héritage? Elle, née au Congo Kinshasa, y a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Alors comment a t-elle pu "oublier" de me transmettre cette langue?
Je lui ai posé la question plusieurs fois et j'avouerais que la réponse ne m'a pas du tout satisfaite.
Elle prétend avoir cédé (ma mère, cette force de caractère!) à la volonté de mon père de ne pas nous parler en lingala afin que l'on ait pas (mes soeurs et moi) de difficultés à apprendre le français.
Avec le recul, je soupçonne mon père d'avoir été influencé par des thèses méprisantes (pour ne pas dire racistes) qui attribuent les difficultés scolaires des enfants d'immigrés au fait qu'ils débarquent dans l'école publique en ne maîtrisant que leur langue maternelle et ne connaissant le français que de façon approximative.
Je suis sûr que l'on se permettrait pas ce genre de réflexion chez des enfants nés de parents ne parlant que le portugais! Et qu'on me sorte pas les origines communes des langues indo-européennes. À 6 ans , les enfants ont tous les mêmes facultés d'apprentissage!
Voilà comment mon père a décidé qu'on ne devait pas parler le lingala et lui-même en parfait intégré (pourtant bien aigri par la France) ne parle qu'en français même lorsqu'il discute avec ma mère qui elle s'exprime le plus souvent en lingala.
Voilà comment je me retrouve perdue dans les fêtes et réunions familiales, où je vois mes cousins et cousines, mes oncles et tantes s'exprimer en lingala.
J'essaye de comprendre tant bien que mal mais je capte seulement un tiers de la conversation en m'appuyant sur les quelques mots français qui surgissent...
Voilà comment je me sens honteuse face aux adultes surpris que je ne connaisse pas la langue et je sens ce mépris intransigeant de certains africains pour ces enfants moundélés, de ce jugement implicite dans la phrase "Quoi! tu ne parles pas lingala?" qui en gros veut surtout dire "tu es une enfant perdue".
Dans ces moments là, j'ai qu'une seule envie: pleurer et je me sens tellement impuissante.

Je pense que mes parents n'ont aucune excuse pour cela. Rien ne devrait justifier de priver une part de leur identité à leurs propres enfants!
La langue est un instrument de communication essentiel pour comprendre une culture. Elle permet de saisir les valeurs, les symboliques, les savoirs composant cette culture et caractérisant une communauté c'est à dire un ensemble d'individus forgeant leur identité autour.
En faisant cela, mes parents m'ont enlevé une grande partie de ma culture d'origine, de mon identité et de mon histoire.
Parce que même si je pense être un pur produit de l'intégration française, la société me renvoie toujours à une culture que je ne saisie pas entièrement.
Et plus le temps passe et plus je me sens amputée.
Bien évidement il n'est pas trop tard pour remédier à cela (j'ai décidé d'apprendre le lingala tte seule via Internet lol) mais il y a des choses qui ne viendront jamais de soi parce qu'elles ne résultent pas d'un long apprentissage.

Des fois je me dispute avec ma mère, elle me reproche d'avoir un comportement individualiste tout à fait à l'opposer des valeurs africaines (je parle des fois où ma mère m'en veut de ne pas donner 50% de ma paie alors que je sais très bien que ses revenus et ceux de son mari sont suffisants pour qu'ils achètent une maison et ne toucher aucune aide de l'Etat). je lui réponds (de façon très posée bien sûr) qu'elle invoque la mentalité africaine quand ça l'arrange, elle sélectionne ce qu'elle veut en lui rappelant que c'est difficile d'avoir la mentalité quand on ne parle pas la langue, que l'on a jamais mis un pied au Congo.
Et beaucoup d'enfants d'immigrés font ce genre de sélection, surtout ces jeunes hommes prenant des éléments disparates qui n'avantagent qu'eux (dans les faits c'est encore autre chose!) et exclus tout lien avec la culture française ou occidentale niant ainsi une partie d'eux-mêmes (mais la famille au bled leur rappelle bien qu'ils ne sont pas maliens ou camerounais du moins qu' ils ne le sont plus totalement)

Pour remédier à ce problème ou du moins pour accepter mon "handicap", je réduis mon champ d'action et mes questionnements au fait d'être noire et donc au fait d'être liée à l'avenir de l'Afrique en général et pas seulement du Congo, pays qui m'est encore inconnu (mais pas pour longtemps, je compte m'y rendre d'ici la fin de l'année, seule) .
A l'instar des afro-américains, je me bats pour être reconnue dans la société dans laquelle je vis, dans le seul pays que je connais et dans la seule culture qu'on m'a inculqué. Car mes origines se sont perdues au fil de ma vie.
Je me définis comme une AFROPEÉNNE: une jeune fille française qui sait que ces ancêtres ne sont pas les gaulois, que par ma famille et ma couleur de peau, j'ai un lien avec l'Afrique.
Je ne joue pas à la fille fière de ses origines congolaises, je ne les revendiquent pas car elle sont INHÉRENTES à mon d'identité, elles font parties de moi.
J'ai un lien indestructible avec le Congo Kinshasa et je souhaite transmettre ce lien à ma descendance.
Et je comprends tout à fait ces acteurs afro-américains qui ont pris l'initiative d'une reconstitution de leur arbre généalogique pour savoir de quel pays d'Afrique ils venaient ou encore de quelle ethnie appartenaient leurs aïeuls car notre couleur nous renvoie toujours à cette terre si fantasmée, si dépréciée.
Par ailleurs, je pense que c'est seulement NOUS les NOIRS, enfants d'Afrique qui réussiront à aider le continent, centre du "monde noir" et de façon plus ciblée, le pays d'origine, à relever les nombreux défis en jeu dont le plus important reste la paix et le développement matériel de TOUS les africains.
Il ne faut rien attendre des autres sociétés, ni des autres civilisations qui toutes ont rejetées ou rejètent encore l'Afrique et les noirs en général.

2 commentaires:

  1. Bonsoir,
    Je suis très émue en vous lisant... Beaucoup de courages dans vos apprentissages. Les parents pensent faire ce qui est le mieux pour leurs enfants...
    Vous avez des atouts qui vous permettront d'être ce que vous êtes...Ces atouts proviennent votre éducation, malgré tout puisez y vos forces...

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  2. Merci pour votre commentaire ! je suis profondément touchée :)) excusez ma réponse tardive...

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